Pourquoi on pleure ?
- Salammbô Hotte
- 2 sept. 2020
- 6 min de lecture
Pourquoi pleurons – nous ?
C’est une question que je me suis souvent posée au cours de ma vie, quand j’ai perdu des êtres qui m’étaient proches, je pouvais pleurer des jours et des jours. Mais pourquoi ? Oui j’étais triste mais pourquoi cela impliquait-il de pleurer ? Pourquoi ça impliquait des larmes ?
C’est vrai pour toutes émotions vous me direz, pourquoi on rit quand on trouve quelque chose drôle ? Pourquoi on s’embrasse quand on est amoureux ? Toutes ces questions sont très intéressantes, mais le fait d’avoir de l’eau qui sort de mes yeux quand je suis triste m’a toujours intrigué. Et vu que cette semaine c’est la rentrée, aka, la fin des vacances, je me disais que c’était l’occase d’approfondir ce sujet.
Le mécanisme des larmes
Les larmes sont une réponse physiologique de l’œil dans un but de lubrification, de nettoyage et de protection. On parle de larmes automatiques. Des nerfs sont présents sur les yeux, permettant de transmettre aux glandes lacrymales les informations relatives à leur composition. Lorsque celui–ci détecte une modification de la composition de l’œil : variation en électrolytes, en protéines et en eau, alors les glandes lacrymales sécrètent des larmes.

Si vous portez des lentilles vous avez conscience de l’importance des larmes pour l’œil. D’ailleurs, peut-être que si vous n’en portez pas, c’est parce que votre œil n’est pas assez humide, pas assez hydraté pour en porter (ou tout simplement parce que votre vue est parfaite 😉). Effectivement, on sécrète naturellement plus ou moins de larmes. Cela explique que certaines personnes pleurent facilement quand il y a du vent : le vent assèche l’œil qui va alors réagir immédiatement pour réhumidifier celui-ci et chez les personnes ayant beaucoup de larmes, la réaction va être exagérée.
Pleurer : un comportement commun aux nouveau-nés de tous les mammifères
Chez les mammifères, tous les nouveau-nés pleurent. La différence entre les autres mammifères et l’humain est que c’est un comportement présent chez l’humain adulte. Et là vous allez me dire « mais, voyons, les animaux n’ont pas de larmes quand ils pleurent ». Oui mais le bébé humain en a rarement aussi. Un bébé qui pleure est un bébé qui crie. Les larmes ne seraient apparues que par hasard. En réalité, les larmes du nourrisson seraient simplement une conséquence des fortes contractions des muscles oculaires lorsqu’ils crient, tout comme on peut avoir des larmes qui coulent quand on baille. Et d’ailleurs les pleures d’un bébé sont rarement liés à de la tristesse, mais correspondent à un signal d’inconfort : j’ai faim, j’ai froid, j’ai peur, etc. Et ce comportement se retrouve chez tous les jeunes mammifères. Pleurer est un signal de détresse venant d’un individu incapable de subvenir à tous ses besoins.
Pourquoi les adultes pleurent ?
La voilà la vraie question à se poser. On est les seuls mammifères à pleurer à l’âge adulte. Et d’ailleurs le comportement lié aux pleures se transforme. Les cries diminuent voire disparaissent et les larmes qui étaient peu présentes, apparaissent. Et là vous allez me dire « ouais enfin bon, on ne pleure pas tous et pas tous à la même fréquence». Et vous auriez bien raison de me dire ça !! Effectivement, on n’a pas tous le même rapport avec nos larmes et je vais même aller jusqu’à dire qu’on créer au cours de notre vie le rapport qu’on va avoir avec elles. Deux types de scénarios possibles :
- Les fois où vous avez pleuré dans votre vie vous avez été soutenu par vos proches, vous avez senti un apaisement, ce fût une expérience cathartique.
- Les fois où vous avez pleuré vous vous êtes senti humilié, ridiculisé par vos proches, les sentiments négatifs que vous ressentiez à ce moment-là ont empirés.
En fonction de la répétition du scénario 1 ou 2 au cours de votre vie, vous allez développer des impressions complètement différentes par rapport à l’action de pleurer. Et c’est selon vos ressentis répétés que vous aurez plutôt tendance à pleurer ou non au cours de votre vie, en fonction de l’utilité ou non que cela a pour vous.
On a répondu à la question concernant la variation de la fréquence inter-individuelle mais pas au pourquoi. Le pourquoi un adulte pleure est d’une certaine façon le même que lorsqu’on est bébé : il s’agit d’un signal de détresse.
C’est un signal destiné à l’entourage social, c’est un message fort qui sert à dire « je me sens impuissant, j’ai besoin de soutien ». C’est un message d’autant plus fort s’il est accompagné de larmes, car celles-ci sont très difficiles à simuler, les larmes d’une personne qui pleure représente la sincérité et l’ampleur de son émotion.
Pourquoi des larmes ?
Pleurer implique la contraction de nombreux muscles faciaux, alors pourquoi « rajouter » des larmes ?
Plusieurs hypothèses sont présentes dans la littérature. Une théorie veut que les larmes étaient à l’époque signe de douleur car on en avait lors d’infection à l’œil ou encore lorsqu’on recevait un coup dans le nez ; au fil du temps les larmes symbole de douleurs physiques se seraient transposées en douleur psychologique.
La théorie la plus probable est liée à la relation dominant/dominé. Les larmes seraient un signe de soumission. Ce qui permet d’avancer cela est le fait que les larmes floutent la vision, ce qui dans une situation conflictuelle n’a pas de sens… sauf si le sujet s’admet soumis. Les larmes seraient une façon de faire savoir à son adversaire qu’il se soumet.
D’une façon plus large, cela serait faire savoir à son organisme qu’on a choisi de faire face à un problème de façon passive, qu’on a accepté notre incapacité à pouvoir solutionner le problème. On revient là encore au sentiment d’impuissance fortement corrélé aux pleurs et aux larmes. Cela expliquerait aussi les effets bénéfiques tel que le soulagement ressenti après des crises de larmes : se soumettre au problème, accepter son impuissance est soulageant.
Qu’en est – il des larmes de joies ?
Et oui, on pleure aussi quand on est heureux, lors de mariages, de naissances, etc… Mais pourquoi ? Ça n’a pas de sens, on n’est pas en détresse dans ces cas-là !!
Et bien si ! Selon certaines études, on se sentirait tellement submergé d’émotions positives qu’on n’arriverait plus à les contrôler ce qui nous mettrait dans un état d’impuissance, nous faisant pleurer.
Il ne faut pas évidemment oublier le contexte social. Tout comme un chat miaule uniquement pour communiquer avec les humains, le fait de pleurer est uniquement présent dans le but de transmettre un message à l’autre. C’est le cas aussi des larmes de joies, elles vont représenter un lien fort pour la personne. Par exemple, pleurer lors du mariage d’une amie signifie qu’elle représente beaucoup pour vous et c’est un moyen de le lui faire savoir.
Pour résumer, les catégories faisant pleurer pour des raisons négatives ou positives s’opposent parfaitement, toutes liées à un sentiment d’impuissance et au besoin de transmettre un message à l’autre. Il a été démontré que plus l’individu prend de l’âge, plus il devient sensible aux raisons de pleurer positives.

Et les hormones là-dedans ?
Il serait logique de penser que les effets bénéfiques qui peuvent être ressentis après une crise de larmes viendraient d’un cocktail hormonal, relâchant les tensions. Il y a effectivement des hypothèses comme quoi pleurer permettrait de relâcher de l’endorphine et de l’ocytocine qui sont des hormones dites « du bonheur » mais il n’y a pas encore assez d’études réalisées sur le sujet pour le démontrer.
Conclusions
Pleurer est un message de détresse, représentant une forte sensation d’impuissance destiné à son entourage social afin d’obtenir du soutien. Selon les ressentis des individus ce comportement a des effets soit positifs soit négatifs, ce qui explique la facilité à pleurer de certains par rapport à d’autres.
Ce que je retiens de ces recherches c’est la force du message envoyé par celui qui pleure, que ce soit des larmes de tristesse ou de joie. Les larmes sont un signe à la fois d’impuissance, de confiance, de lien fort entre celui qui pleure et celui qui en témoigne.
Références :
1. Bylsma, L. M., Gracanin, A., & Vingerhoets, A. J. J. M. (2019). The neurobiology of human crying. Clinical Autonomic Research, 29(1), 63-73. https://doi.org/10.1007/s10286-018-0526-y
2. Jonathan Rottenberg, Lauren M. Bylsma, and Ad J.J.M. Vingerhoets (2008). Is crying beneficial ? Association for Psychological Science.
3. Gracanin, A., Bylsma, L. M., & Vingerhoets, A. J. J. M. (2018). Why only humans shed emotional tears: Evolutionary and cultural perspectives. Human Nature, 29(2), 104–133. https://doi.org/10.1007%2Fs12110-018-9312-8
4. Sharman, L. S., Dingle, G. A., & Vanman, E. J. (2018). Does crying help? Development of the beliefs about crying scale (BACS). Cognition and Emotion, 1–15.
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